Livres - Littérature - Christian WERY

La servante écarlate - Margaret Atwood

 

Traduit de l'anglais par Sylviane Rué.

 

images.jpgAvec cette fiction marquante, nous entrons dans un futur improbable mais plausible où la société américaine est contrôlée par le système totalitaire d'un régime théocratique. La baisse de natalité due à un contexte environnemental (déchets toxiques, pollution) est une des causes de l'avènement du nouveau régime. Certaines femmes sont destinées à jouer un rôle utilitaire de procréation et se voient privées de leurs droits fondamentaux. La narratrice, une jeune femme de la classe des Servantes, décrit dans un journal la situation cauchemardesque dans laquelle elle est maintenue, avec la nostalgie de moments insouciants d'épouse et de mère durant les temps révolus.

 

C'étaient nos mains qui étaient sensées être pleines de l'avenir, lequel pouvait être tenu mais non pas vu.

 

Parti pour une histoire fantastique, j'ai tôt découvert que Margaret Attwood ne donnait pas gratuitement dans ce genre car elle lui communique un regard intelligent sur le totalitarisme avec une subtile mise en lumière des droits de la femme.

 

Les Servantes – identifiées par vêtements et voile rouges assortis d'ailes évoquant des cornettes de religieuses  sont des femmes vouées exclusivement à la maternité, comme certaines le sont aux tâches domestiques (les Marthas) et d'autres à l'enseignement de la doctrine (les Tantes). Les hommes ont aussi un rôle dévolu : les Anges sont des gardiens de sécurité et les Commandants ont les privilèges les plus élevés ainsi que leurs Épouses. On s'amusera des sources sans doute venues de sa jeunesse dont Margaret Atwood a tiré ces appellations (A-t-elle connu une domestique prénommée Martha ?). 

 

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Rien en nous ne doit séduire... 

 

Une Servante doit procréer: une cérémonie rituelle la place régulièrement sur le dos dans le giron de l'Épouse, tandis qu'elle subit les hommages du Commandant qui doit la fertiliser. Pour laquelle de deux est-ce pire, elle ou moi ? Réduite à un tampon, à un utérus de servitude, elle ne doit rien désirer d'autre que concevoir, sous peine de finir dans les Colonies affectées aux déchets toxiques.

 

...l'amour ne doit trouver aucune prise. Nous sommes des utérus à deux pattes, un point c'est tout: vases sacrés, calices ambulants. 

 

L'allusion à des religieuses d'un ordre sévère (les Servantes) me paraît évident: chucotements, isolement et privations sont le lot de la jeune femme. Le roman pourfend les intégrismes religieux : le livre a d'ailleurs été au centre d'une polémique au Canada suite à sa dénonciation par un élève comme anti-chrétien et anti-islamique.

 

On pourrait aussi bien dire:... n'existez pas.

 

Autant j'ai aimé le concept du roman, autant je l'ai trouvé déséquilibré : le dernier chapitre fort instructif est le compte-rendu d'un colloque historique postérieur à l'action qui identifie le reste du récit comme un manuscrit retrouvé et anonyme. Cet épilogue réjouit par son ajustement contextuel enthousiasmant mais le corps du roman m'a semblé étiré.

 

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Vous êtes une génération de transition, disait Tante Lydia. C'est pour vous que c'est le plus dur. Nous savons quels sacrifices sont attendus de vous. C'est dur quand les hommes vous humilient. Pour celles qui viendront après vous, ce sera plus facile. Elles accepteront leurs devoirs de bon cœur.

 

Avec la république de Gilead où les choses peuvent apparaitre telles qu'avant mais ont changé de sens, l'auteure canadienne a réussi à restituer minutieusement un univers aussi lointain que familier. Ce roman d'anticipation intelligent de 1985 ne laissera personne indifférent. Un film en a été tiré en 1990. 

 

J'ai découvert ce titre grâce à la chronique Textes et prétextes de Tania


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T
Très intéressée par votre lecture de ce roman qui, de blog en blog, trouve de nouveaux lecteurs. Le récit tend surtout, il me semble, à faire ressentir une atmosphère, le poids des relations<br /> contraintes, l'étouffement. L'épilogue le met en contexte et se termine sur une note ironique : "Y a-t-il des questions?"
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C
<br /> <br /> Je crois que vous avez raison: Atwood cherchait à rendre sensible l'étouffement de Defred par un témoignage effectivement très authentique. J'aurais peut-être mieux<br /> vécu longueur et lenteur si les indications de l'épilogue avaient été divulguées avant. <br /> <br /> <br /> <br />
A
Voila qui fait froid dans le dos ! Je ne suis pas certaine d'avoir envie de plonger dans ce livre...
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